Lentement et volontairement, une crise s’installe. Les secousses ne sont peut-être pas autant perceptibles que celle de la crise économique et surtout financière, subie en 2008, mais il est à craindre pour la démocratie !
Dans le miroir : le reflet des années 1930 et la naissance des monstres, pour peut-être arriver à de nouvelles dictatures ou autres régimes autoritaires sur le sol européen. Nous subissons un délitement de notre démocratie.
La première raison à ce terrifiant constat est l’abandon de l’espace politique par le citoyen. Et l’enjeu est au-delà des simples élections avec un absentéisme extraordinairement fort. Nous parlons ici de l’engagement au quotidien. Qui participe aux réunions de débats ? Qui prend le temps de venir s’asseoir dans le public à la salle du conseil municipal ? Mieux encore, qui s’intéresse aux délibérations prises par les élus des différentes assemblées territoriales ? Qui se documente avant de voter ? Qui se pose en gardien des actions passées ? Qui propose ? Qui est indigné ? Les mêmes et toujours très peu de personnes.
Lors des élections régionales de 2015, au premier tour, plus de 50% des électeurs n’avaient pas pris part au vote. Même sur une élection a priori mobilisatrice comme la municipale, les électeurs se détournent des urnes. Un exemple, celui de Marseille, la deuxième ville de France. Dans certains quartiers, les Marseillais ne s’intéressent pas (plus?) « à la question politique au sens électoral. […] C’est un truc de malade », comme le constate l’ancien directeur de campagne de Pape Diouf aux élections municipales, Pierre-Alain Cardonna. Le taux d’abstention grimpe souvent à 60, voire 70 %, surtout dans le centre et le nord de la ville.
L’espace entre les gouvernés et les gouvernants s’agrandit. La propension de l’homme politique sera toujours de remplir cet espace. Nous laissons ceux qui sont censés nous représenter, empiéter sur notre souveraineté. L’être citoyen se meurt. La vigie citoyenne a abandonné sa tour de contrôle. Or la démocratie a besoin de dialogues, de contradictions, d’opposition, de vigilance. La démocratie ne peut vivre que si chacun joue le jeu, à un prix forcément élevé, notamment en temps. À chacun de faire cet effort de démocratie.
La meilleure façon de lutter contre les bêtes tyranniques, est de prendre possession de l’espace public : sortir pour lutter contre l’obscurantisme. Sans cet effort peut régner le pire. C’est par se laisser-aller que s’est installée l’oligarchie, c’est-à-dire les décisions de quelques-uns qui s’appliquent à tous. Parce que l’espace que nous laissons vacant, d’autre se chargent de l’occuper. Qui gouverne vraiment ? Vous, nous ou eux ? Car le monde continue de fonctionner. Des lois sont votées et des puissances agissent. Avez-vous l’impression d’être puissant ?
Mais à ce délitement de l’esprit démocratique, il y a des raisons. Il existe bien des mécanismes qui font en sorte d’exclure le peuple souverain.
Ces questions sont d’une actualité brûlante face au terrorisme, face à la tentation autoritaire de nos élites politiques.
Depuis janvier 2015 avec les attentats de Paris, notamment contre la rédaction de Charlie hebdo et la tuerie de masse au Bataclan en novembre suivant, notre pays connaît la peur et est entré en guerre. Ces attaques terroristes répétées ont entraîné la mise en place d’un état d’urgence qui de fait diminue nos libertés (droit de manifester, de se rassembler, vie privée…). Le contexte terroriste dans lequel est plongé le pays depuis de longs mois « met en cause non pas le principe démocratique, mais l’étendue, la vigueur de la vie démocratique », souligne l’avocat Jean-Pierre Mignard. C’est dans ce contexte politique qu’il nous est imposé de concevoir notre régime. Parce que certainement que les menaces auxquelles nous sommes confrontés « dicteront un nouvel ordre juridique », poursuit ce maître de conférence à Science-Po Paris. Liberté contre sécurité, un vieux débat philosophique.
La démocratie est en danger, les partis d’extrême droite font recette et sont aux portes du pouvoir dans de nombreux pays européens, dont la France. Au plus haut sommet de l’État la question angoisse. Dans une rencontre avec les journalistes de l’Association de la presse présidentielle, François Hollande a dit ceci, selon un article de Paris Match, publié le 3 août 2016 : « L’enjeu de l’élection [présidentielle de 2012, NDR], au-delà de la personne, était économique et social : c’était la finance et le chômage. Ces questions compteront toujours en 2017, mais l’élection portera surtout sur la France et la démocratie. » L’enjeu est brûlant et mérite qu’on s’y arrête.
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