Les bars de nuit à Dieppe (Seine-Maritime) : une économie en chute libre

(extrait d’un article paru dans le journal Les informations dieppoises en mars 2014).
Un bar par jour tout au long de l’année. Il y a moins de trente ans, le Dieppois pouvait commander son demi dans les 395 établissements de la commune. Tous les anciens confirment cette légende qui n’en serait pas une. Cette époque est révolue.
Actuellement, Dieppe (Seine-Maritime) ne compte pas plus de 136 licencies IV (autorisation de vendre toutes les boissons alcoolisées). Il s’agit du nombre officiel déclaré en mairie. La vérité serait nettement moins glorieuse, puisque sont comptés les restaurants, les bars en liquidation judiciaire ou les ventes en cours. En réalité, il y aurait près de 70 bars. Et si on veut sortir le soir pour faire la « bringue » entre amis, l’étau se resserre. Il y a moins d’une dizaine de bonnes adresses. La culture du bar s’est perdue. Ces dix dernières années, les Dieppois ont constaté les fermetures successives.

Disparition de plusieurs clientèles

Le climat festif de Dieppe s’est dégradé petit à petit. Alors qu’ils étaient plus de 800, les dockers ont aujourd’hui disparu du paysage portuaire. Même chose pour les marins pêcheurs. Une population prompte à l’amusement sur le zinc et surtout solvable. Depuis une vingtaine d’années, Dieppe s’appauvrit, perd ses habitants.
Autre grosse perte pour les chiffres d’affaires : la fuite des Anglais. Le déplacement de l’arrivée du ferry a été vécu comme un choc. « Une grosse bêtise », « un manque à gagner énorme », « ils ne viennent plus jusqu’au centre-ville »… Tous les patrons sont unanimes. D’autant plus incompris par les professionnels que rien n’est fait pour encourager les voisins d’outre-Manche. Les navettes sont inexistantes ou presque entre le terminal et l’office de tourisme. « Ça ne donne pas envie aux Anglais de venir s’amuser au centre-ville. En pleine nuit, ils doivent se faire le trajet à pied avec les valises à la main pour rejoindre leur hôtel », peste un gérant.
« Les Anglais étaient tous dehors bien imbibés, ça se battait souvent. On les remettait sur le navire », plaisante un policier.

Où sont passés les Anglais ?

Les patrons de bars se plaignent tous d’avoir perdu la clientèle anglaise depuis que les voisins d’outre-Manche n’atterrissent plus directement en centre-ville. Pourquoi ce déménagement ? L’explication est économique, mais surtout pratique. Depuis la liaison avec l’Angleterre au milieu du 19e siècle, le ferry débarquait en plein cœur de Dieppe. Au milieu des années 1960, les bateaux ont commencé à transporter de la marchandise. Petit à petit, les navires ont grossi, les marchandises sont devenus plus conséquentes. L’actuel port de plaisance devenait beaucoup trop petit.
« La SNCF, qui a l’époque gérait la ligne, m’a fait comprendre qu’elle se retirerait si on ne faisait rien », se souvient l’ancien directeur général de la chambre de commerce et d’industrie, Jacques Bialek. En effet la distance entre les deux quais du centre-ville n’était que de 115 mètres. « Ils ne pouvaient plus faire demi-tour dans le port, parce qu’il faut que les navires repartent nez au vent »explique Jacques Bialek.

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